La construction d’une pergola en zone non constructible soulève de nombreuses questions juridiques et peut engendrer une obligation de démolition. Cette situation, fréquente dans le contentieux de l’urbanisme, place les propriétaires face à des décisions administratives parfois difficiles à accepter. Entre protection des espaces naturels et droit de propriété, la réglementation encadre strictement les constructions dans ces zones sensibles. Les pergolas, bien que considérées comme des aménagements légers par certains propriétaires, n’échappent pas aux règles d’urbanisme et peuvent faire l’objet d’une procédure conduisant à leur démolition. Quels sont les fondements juridiques de cette obligation ? Quelles solutions s’offrent aux propriétaires confrontés à cette situation ? Ce sujet mérite une analyse approfondie des textes et de la jurisprudence pour comprendre les mécanismes juridiques en jeu.
Le cadre juridique des zones non constructibles et son impact sur les pergolas
Les zones non constructibles sont définies par différents documents d’urbanisme et réglementations qui visent à protéger certains espaces de l’urbanisation. Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) ou le Plan d’Occupation des Sols (POS) constituent les premiers outils de délimitation de ces zones. Ces documents classifient les terrains en fonction de leur destination : zones urbaines (U), zones à urbaniser (AU), zones agricoles (A) et zones naturelles et forestières (N). Les zones A et N sont généralement non constructibles, sauf exceptions limitativement énumérées.
D’autres dispositifs juridiques peuvent renforcer cette protection, comme les espaces boisés classés, les zones de protection du patrimoine, les sites classés ou encore les zones soumises à des risques naturels. La loi Littoral et la loi Montagne imposent des restrictions supplémentaires dans les communes concernées.
Dans ce contexte, la pergola, bien que structure souvent considérée comme légère, répond à la définition juridique d’une construction au sens de l’article L. 421-1 du Code de l’urbanisme. La jurisprudence administrative a confirmé cette qualification à de nombreuses reprises. Ainsi, dans un arrêt du Conseil d’État du 15 avril 2016 (n° 389045), les juges ont rappelé qu’une pergola, même démontable, constitue une construction soumise aux règles d’urbanisme.
Les différents types de pergolas face à la réglementation
La qualification juridique varie selon les caractéristiques techniques de la pergola :
- Les pergolas adossées à une construction existante
- Les pergolas autoportantes
- Les pergolas bioclimatiques avec dispositifs mobiles
- Les pergolas fermées sur les côtés
Le régime d’autorisation dépend de ces caractéristiques. Une pergola d’une emprise au sol inférieure à 5 m² peut être dispensée de formalités dans certaines zones, mais pas en zone non constructible où le principe d’inconstructibilité prévaut généralement. Pour les pergolas plus importantes, une déclaration préalable est nécessaire si la surface est comprise entre 5 et 20 m², et un permis de construire au-delà.
Dans les zones agricoles (A), seules les constructions nécessaires à l’exploitation agricole peuvent être autorisées. Une pergola à usage d’agrément ne répond pas à ce critère. Dans les zones naturelles (N), les restrictions sont encore plus fortes, limitant drastiquement toute forme de construction.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 février 2021 (n° 19-22.131), a confirmé qu’une pergola construite sans autorisation en zone non constructible constitue une infraction pénale, passible d’une amende pouvant atteindre 300 000 euros, indépendamment de l’obligation de démolition.
Les procédures administratives menant à l’obligation de démolition
L’obligation de démolir une pergola en zone non constructible peut résulter de différentes procédures administratives. La première voie est celle du contrôle de légalité exercé par le préfet. Lorsqu’une construction est réalisée sans autorisation ou en méconnaissance des règles d’urbanisme, le représentant de l’État peut engager un recours gracieux auprès du maire, puis saisir le tribunal administratif pour faire constater l’illégalité.
La seconde voie, plus fréquente, est celle du constat d’infraction dressé par les agents assermentés habilités à rechercher et constater les infractions au Code de l’urbanisme. Ces agents peuvent être des fonctionnaires municipaux, des agents de l’État ou des officiers de police judiciaire. Le constat d’infraction prend la forme d’un procès-verbal transmis au procureur de la République.
Les étapes de la procédure administrative
Suite au constat d’infraction, plusieurs étapes peuvent conduire à l’obligation de démolition :
- La mise en demeure de régulariser la situation
- L’arrêté interruptif de travaux
- La saisine du tribunal correctionnel
- L’injonction de démolir prononcée par le juge
Le maire dispose d’un pouvoir de police de l’urbanisme qui lui permet d’ordonner l’interruption des travaux réalisés en infraction. L’article L. 480-2 du Code de l’urbanisme précise que le maire peut, à tout moment, prendre un arrêté interruptif de travaux dès lors qu’il a connaissance d’une construction illégale.
Parallèlement, l’administration peut engager une procédure de mise en demeure au titre de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme. Cette mise en demeure fixe un délai pour que le contrevenant régularise sa situation, soit en obtenant une autorisation a posteriori (ce qui est généralement impossible en zone non constructible), soit en procédant volontairement à la démolition.
En l’absence de régularisation, l’affaire est portée devant le tribunal correctionnel qui peut, en application de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, ordonner la remise en état des lieux, impliquant la démolition de la pergola. Le tribunal fixe alors un délai pour l’exécution de cette mesure, généralement compris entre trois mois et un an.
À défaut d’exécution volontaire dans le délai imparti, l’article L. 480-9 du Code de l’urbanisme autorise l’administration à procéder d’office à la démolition, aux frais du contrevenant. Une astreinte journalière peut être prononcée par le juge pour inciter le propriétaire à s’exécuter, pouvant atteindre 500 euros par jour de retard.
La jurisprudence montre une application stricte de ces dispositions. Dans un arrêt du 28 novembre 2018 (n° 17NC01191), la Cour administrative d’appel de Nancy a confirmé l’obligation de démolir une pergola installée sans autorisation en zone non constructible, malgré l’argument du caractère démontable avancé par le propriétaire.
Les possibilités de régularisation et leurs limites
Face à une menace de démolition, le propriétaire d’une pergola en zone non constructible peut chercher à régulariser sa situation. Cette démarche se heurte toutefois à d’importantes contraintes juridiques qui réduisent considérablement les chances de succès.
La première voie de régularisation consiste à solliciter une autorisation d’urbanisme a posteriori. Cette demande doit respecter les règles en vigueur à la date de son dépôt, et non celles applicables lors de la construction. Cette distinction est fondamentale, car elle peut jouer en faveur ou en défaveur du demandeur selon l’évolution de la réglementation locale.
En zone non constructible, l’obtention d’une autorisation reste exceptionnelle. Les zones agricoles n’autorisent que les constructions nécessaires à l’exploitation agricole, tandis que les zones naturelles excluent presque toute forme de construction. Le propriétaire devra démontrer que sa pergola entre dans l’une des rares exceptions prévues par les textes.
Les dérogations possibles
Quelques situations peuvent permettre une régularisation :
- L’extension mesurée d’une habitation existante
- Les constructions liées à une activité agricole
- Les équipements d’intérêt collectif
- Les aménagements légers dans certaines zones spécifiques
L’article L. 151-12 du Code de l’urbanisme prévoit que le règlement du PLU peut autoriser les extensions des bâtiments d’habitation existants en zones A et N, à condition qu’elles ne compromettent pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site. Cette disposition peut offrir une base légale pour maintenir une pergola adossée à une habitation existante, mais les conditions sont strictes : l’extension doit être « mesurée », notion appréciée au cas par cas par les juridictions administratives.
La jurisprudence considère généralement qu’une extension inférieure à 30% de la surface existante peut être qualifiée de « mesurée ». Dans un arrêt du 31 janvier 2020 (n° 18NC02615), la Cour administrative d’appel de Nancy a validé une extension de 25 m² représentant 20% de la surface initiale d’une habitation en zone agricole.
Une autre possibilité de régularisation passe par une modification du document d’urbanisme. Le propriétaire peut demander à la commune de faire évoluer son PLU pour reclasser son terrain en zone constructible. Cette procédure, longue et incertaine, nécessite une révision ou une modification du document d’urbanisme, soumise à enquête publique et au contrôle de légalité du préfet.
Il faut noter que les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) émettent un avis sur ces modifications, généralement défavorable lorsqu’il s’agit de réduire des zones agricoles ou naturelles. De plus, les personnes publiques associées, comme les chambres d’agriculture ou les associations environnementales, peuvent s’opposer au projet.
Enfin, certains propriétaires tentent de faire valoir la prescription de l’action publique. En matière d’urbanisme, les infractions se prescrivent par six ans à compter de l’achèvement des travaux. Toutefois, cette prescription ne concerne que l’aspect pénal de l’infraction. L’obligation de mise en conformité demeure, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2017 (n° 16-82.709).
Les recours juridiques contre l’obligation de démolition
Lorsqu’un propriétaire se voit opposer une obligation de démolir sa pergola, plusieurs voies de recours s’offrent à lui pour contester cette décision. Ces recours peuvent être exercés tant sur le plan administratif que judiciaire, avec des chances de succès variables selon les circonstances.
Le premier niveau de contestation est le recours gracieux adressé à l’auteur de la décision. Il s’agit d’une démarche amiable visant à obtenir le retrait ou la modification de l’acte contesté. Ce recours doit être formé dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision. Bien que rarement couronné de succès en matière d’urbanisme, le recours gracieux présente l’avantage de prolonger le délai de recours contentieux.
Si le recours gracieux n’aboutit pas, le propriétaire peut saisir le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision ordonnant la démolition. Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ou du rejet du recours gracieux. Le requérant peut invoquer différents moyens de légalité externe (incompétence, vice de forme, vice de procédure) ou interne (violation de la loi, erreur de fait, erreur de droit, détournement de pouvoir).
Les moyens juridiques invocables
Parmi les arguments juridiques souvent invoqués figurent :
- L’incompétence de l’auteur de l’acte
- Le non-respect des procédures contradictoires
- La qualification erronée de la construction
- La disproportion de la sanction
- L’erreur manifeste d’appréciation
Le principe de proportionnalité constitue un argument fréquemment invoqué. Issu de la jurisprudence européenne, ce principe exige que les mesures prises par l’administration soient proportionnées à l’objectif poursuivi. Dans un arrêt du 16 novembre 2018 (n° 414777), le Conseil d’État a rappelé que le juge doit vérifier si l’atteinte portée au droit de propriété par une mesure de démolition n’est pas disproportionnée au regard des objectifs d’intérêt général poursuivis.
Un autre moyen de défense consiste à invoquer la théorie des constructions achevées. Selon cette théorie, lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, l’administration ne peut plus en ordonner la démolition sur le fondement des règles d’urbanisme, sauf si la construction présente un danger pour la sécurité publique. Cette règle, issue de l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme, comporte toutefois des exceptions importantes, notamment pour les constructions édifiées en zone non constructible.
Le propriétaire peut également soulever l’exception d’illégalité du document d’urbanisme fondant l’obligation de démolition. Cette stratégie consiste à contester la légalité du PLU ou du POS classant le terrain en zone non constructible. Cette exception n’est recevable que pendant une période limitée après l’entrée en vigueur du document d’urbanisme (généralement un an), sauf si l’illégalité résulte de vices de forme ou de procédure.
Enfin, le recours à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) peut être envisagé en dernier ressort, sur le fondement de l’article 1er du Premier Protocole additionnel qui protège le droit de propriété. La CEDH a développé une jurisprudence nuancée, reconnaissant aux États une large marge d’appréciation en matière d’urbanisme, tout en exigeant un juste équilibre entre les impératifs d’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.
Dans l’affaire Hamer contre Belgique (27 novembre 2007), la Cour a validé la démolition d’une maison de vacances construite sans permis dans une zone forestière, considérant que la protection de l’environnement justifiait cette mesure. Cette jurisprudence montre les limites du recours européen en matière d’urbanisme.
Stratégies préventives et solutions alternatives à la démolition
Face aux risques juridiques liés à la construction d’une pergola en zone non constructible, il est préférable d’adopter une approche préventive plutôt que curative. Plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre pour éviter l’obligation de démolition ou trouver des solutions alternatives acceptables.
La première démarche, fondamentale, consiste à s’informer précisément sur le statut urbanistique du terrain avant tout projet de construction. La consultation du Plan Local d’Urbanisme et la demande d’un certificat d’urbanisme permettent de connaître les règles applicables et les contraintes éventuelles. Ce document, prévu par l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme, indique si le terrain peut recevoir la construction projetée et mentionne les servitudes d’utilité publique applicables.
Lorsqu’un projet de pergola est envisagé dans une zone à statut particulier, il est recommandé de solliciter un rendez-vous préalable avec le service urbanisme de la commune. Cette démarche informelle permet d’exposer le projet et de recueillir l’avis des techniciens sur sa faisabilité et les éventuelles adaptations nécessaires.
Les alternatives à la pergola traditionnelle
Si la construction d’une pergola classique s’avère impossible, des alternatives peuvent être explorées :
- Les structures temporaires et démontables
- Les aménagements paysagers sans emprise au sol
- Les pergolas sur terrasse existante
- Les solutions mobiles et transportables
Les structures temporaires peuvent parfois échapper à la qualification de construction au sens du Code de l’urbanisme. Selon la jurisprudence, pour être considérée comme temporaire, une installation doit être effectivement démontée à l’issue de la période pour laquelle elle a été autorisée. Dans un arrêt du 13 juillet 2012 (n° 342409), le Conseil d’État a précisé que le caractère temporaire s’apprécie en fonction de la destination de l’ouvrage et non de ses caractéristiques techniques.
Les aménagements paysagers comme les tonnelles végétales ou les treillages légers supportant des plantes grimpantes peuvent constituer une alternative intéressante. Ces installations, si elles ne comportent pas de fondations ni de structures lourdes, peuvent échapper à la qualification de construction soumise à autorisation d’urbanisme.
Pour les propriétaires disposant déjà d’une terrasse légalement construite, l’installation d’une pergola sur terrasse existante peut parfois être tolérée, notamment si elle ne modifie pas significativement l’aspect extérieur du bâtiment. Cette solution doit néanmoins faire l’objet d’une déclaration préalable de travaux.
Enfin, les parasols déportés ou les voiles d’ombrage amovibles constituent des alternatives pratiques qui ne nécessitent généralement pas d’autorisation d’urbanisme, à condition qu’ils soient effectivement retirés en dehors des périodes d’utilisation.
En cas de construction déjà réalisée et menacée de démolition, une négociation avec l’administration peut parfois aboutir à une solution de compromis. Cette négociation peut porter sur un délai supplémentaire pour la démolition, une exécution partielle de la mesure (démolition limitée à certains éléments de la pergola) ou une modification de la structure pour la rendre conforme.
Le protocole transactionnel, prévu par l’article 2044 du Code civil, peut formaliser cet accord entre le propriétaire et l’administration. Ce document, qui a force de chose jugée, permet de mettre fin au litige moyennant des concessions réciproques. Il doit être approuvé par l’organe délibérant de la collectivité concernée et ne peut avoir pour objet de légaliser une situation manifestement contraire aux règles d’urbanisme.
La médiation, instituée par l’article L. 213-1 du Code de justice administrative, constitue également une voie alternative de résolution des conflits. Le médiateur, tiers impartial, aide les parties à trouver une solution mutuellement acceptable. Cette procédure présente l’avantage de la confidentialité et de la souplesse, tout en préservant les droits des parties à saisir le juge en cas d’échec.
Ces différentes approches préventives et alternatives témoignent de l’existence de marges de manœuvre, même dans le cadre contraignant des zones non constructibles. Elles requièrent toutefois une anticipation des problèmes juridiques et une bonne connaissance des règles applicables.
